Eric Bertinat – Le Pape, écrit Mgr Athanasius Schneider, doit choisir les évêques avec beaucoup de soin, tant leur influence est grande. Ils peuvent bien ou mal former toute une génération de prêtres et de laïcs, voire plusieurs, dans leur diocèse. (..) Un évêque qui n’est pas à la hauteur de sa tâche peut détruire spirituellement un diocèse pour plusieurs générations (1). Frottons la pertinente remarque de Mgr Schneider à l’analyse des résultats de la votation sur le « mariage pour tous » du 26 septembre dernier.

Référendum
La campagne a commencé en tout début d’année avec le référendum. Les évêques et le clergé en étaient informés. Au milieu d’un silence pesant, une heureuse surprise vint de Coire. Dans un bref message daté du 8 janvier 2021, l’évêque prend position : D’un point de vue catholique, basé sur la définition chrétienne du mariage et de la famille, le «mariage pour tous» doit être refusé. C’est pourquoi l’administrateur apostolique, Mgr Pierre Bürcher, avec le soutien du Conseil épiscopal, recommande aux prêtres, diacres, agents pastoraux ou personnel d’Église de s’engager en faveur du référendum. Il invite à signer ou à s’inscrire sur le site du comité référendaire.

Quelques mois plus tôt, dans ce même diocèse, Mgr Vitus Huonder rappelait sans détour que l’amour entre homosexuels était un péché. Quelques mois plus tard, son successeur, Mgr Bonnemain, déclarait de son côté qu’Il ne faut pas procéder au rabais, en se basant uniquement sur des normes, car on risque alors de laisser en plan la personne concrète. Je suis convaincu que le pape François serait d’accord avec moi à 100%.

Votation
Prenons les résultats officiels en ne retenant que le pourcentage de citoyens qui ont refusé les modifications législatives permettant le mariage homosexuel. Nous ne prendrons que les Romands et Tessinois. Là où l’on parle français ou italien, les résultats sont les suivants :

– Genève : 34,9%
– Vaud : 35%
– Fribourg : 37,7%
– Valais : 44,5%
– Tessin : 47%

On s’aperçoit bien vite que deux cantons (Valais et Tessin) font des scores honorables, des scores que nous espérions atteindre pour l’ensemble de la Suisse. Vaud, Genève et Fribourg présentent des chiffres dans la moyenne nationale (35,9%). Vous aurez remarqué que ces trois cantons sont regroupés en un seul diocèse, placé sous la seule responsabilité de Mgr Charles Morerod. Un prélat très discret, malgré l’engagement de quelques prêtres qu’il convient de saluer. Mais où donc était l’évêque durant tous ces mois de préparation à une votation aux enjeux politiques et religieux importants ? On pense entre autres à ces trois juristes affirmant que les Églises historiques et leurs ministres qui refuseraient de célébrer des unions homosexuels pourraient se voir sanctionnés pénalement.

Les scores du Tessin et du Valais, comparé au diocèse de Mgr Morerod sautent aux yeux. Pourquoi une telle différence entre diocèses ? La réponse est simple. Les évêques n’ont pas tous disparu dans le paysage diocésain. Bien au contraire !

Ainsi en est-il de l’évêque du diocèse de Sion, Mgr Jean-Marie Lovey. Il s’est adressé clairement à ses paroissiens : le mariage pour tous n’est pas imaginable pour les opposants au texte, qui défendent une vision traditionnelle du mariage, comme étant l’union entre un homme et une femme au nom du bien-être des enfants.

Mais l’évêque n’était pas seul dans son diocèse. Il faut relever, par exemple, les interventions lucides et courageuses du prêtre valaisan Michel Salamolar qui admet que la conférence épiscopale suisse (CES) a commis une erreur en 2019, en ne répondant pas lors de la consultation officielle sur le «mariage pour tous». Dans un interview à cath.ch, il s’oppose sans ambiguïté à l’introduction de l’arbitraire dans le système juridique suisse et se dit inquiet pour la suite. A mon avis, on va vers le don d’ovule et la gestation pour autrui qu’on ne pourra pas refuser, puisque nous avons admis ce principe d’égalité.

Quant à l’évêque de Lugano, Mgr Valerio Lazzeri, son opposition aux lobbies LGBT est connue de longue date. Il insiste publiquement la veille de la votation pour rappeler que trop de questions sont demeurées sans réponse : l’Église se sent engagée à appeler chacun à une vigilance responsable, à la nécessité de ne pas se comporter comme des maîtres totalement autonomes et indépendants de leur propre destin et de celui des autres, mais comme des serviteurs humbles et attentifs de l’immense et insaisissable mystère de la vie. Relevons que la commune la plus réfractaire du pays a été Bedretto, au nord du Tessin, dans laquelle le «non» a atteint 75%.

Dans l’histoire de la Chrétienté, les évêques ont joué un rôle de premier plan. Nous aurions souhaité qu’il en soit ainsi en 2021. Leur voix n’est pas inaudible, elle aurait dû s’entendre mieux et plus dans cette campagne de votation qui n’était pas que politique. D’où l’importance d’un discours épiscopal. La dureté du temps présent n’a pas changé leur mission – ils sont les successeurs des apôtres – ni diminué les grâce d’état que Dieu leur dispense.

(1) Christus Vincit, Le triomphe du Christ sur les ténèbres de notre temps, Édition Contretemps)

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Newsletter N° 57 – 15 octobre 2021 | Source : Perspective catholique