Eric Bertinat – Au 2e tour des élections au Conseil des États, la droite genevoise dans son dénominateur commun le plus large présente une liste inhabituelle réunissant MCG et UDC, deux partis aux positions divergentes sur l’immigration, les relations avec l’UE, les budgets cantonaux et communaux, la fonction publique, etc. Et pas beaucoup plus en adéquation avec les libéraux. Avec pour principal argument : il faut barrer la route à la gauche ! Est-ce bien suffisant pour mobiliser les militants de tous ces partis si souvent opposés au Parlement ?

A bien y regarder, c’est le ticket Carlo Sommaruga (socialiste) – Liza Mazone (Vert) qui tient mieux la route parce que cohérent dans son programme. Et qui pourrait bien passer devant le ticket Mauro Poggia (MCG) – Céline Amaudruz (UDC). Un ticket estampillé «droite élargie» mais dont on devine que le soutien de la droite genevoise n’est pas aussi évident qu’annoncé. «Du bout des lèvres. (…) pour résumer le soutien de l’Entente à l’alliance de la droite élargie» nous dit Le Temps du 25 octobre. A noter que le PLR a annoncé qu’il ne fera pas campagne… Bonjour les nerfs !

«Avec qui siéger à Berne? Les élus MCG en quête d’asile» questionne La Tribune de Genève (26 octobre 2023). Et d’expliquer les divergences qui existent entre les trois élus MCG. Mauro Poggia envisage de siéger aux côtés du PLR ou du Centre. On appréciera son sens de l’utile. Roger Golay préfère clairement l’UDC. Quant à Daniel Somani (qui siégera au Conseil national en cas de victoire de leur candidat à la Chambre haute), le transfuge du parti socialiste refuse de répondre. On le devine un brin angoissé à l’idée de se retrouver (très) à droite au Parlement.

La question se pose donc devant ce curieux équipage que l’on reconnaît pourtant inévitable : Quelle est donc la force du ticket Poggia-Amaudruz ? Quel programme défendrons ces politiciens au profil si dissemblable ? Toujours dans La Tribune de Genève, M. Poggia précise que «Nous sommes accusés d’être un duo populiste, mais nous avons chacun nos positions propres.» Parmi celle-ci, relevons que : «Le MCG n’est pas favorable à une coupure avec l’Union européenne, ni opposé à des discussions. Nous voulons des aménagements sur certains points, comme la gauche d’ailleurs». Pas vraiment de quoi emballer un électeur UDC dont le parti s’oppose mordicus à tout rapprochement européen soumis à l’incontournable Accord cadre.

Céline Amaudruz, sur la tsr, veut faire en sorte qu’avec Mauro Poggia elle puisse faire basculer le Conseil des États «une fois à droite». De quelle droite parle la candidate UDC ? Objectivement, ce n’est pas de la même droite que celle de son colistier. Pas plus que celle des milieux patronaux qui réclament à corps et à cri la reprise du dialogue avec l’Union européenne.

Il y a dans cette élection nationale une aimable ressemblance avec la présidentielle de 1981 qui a vu la droite française, son aile centriste et celle plus libérale, incarnée par Giscard-d’Estaing et Chirac, se déchirer jusqu’à faire perdre son propre camp, pour le plus grand bonheur de François Mitterrand. Est-ce qu’à Genève, les libéraux sont pareillement animés et prêts à flinguer le ticket MCG-UDC pour attendre des jours plus propices ?

Ainsi que dit, la liste de la gauche genevoise a de sérieuses chances de mobiliser ses rangs, autrement plus que la droite comprenant son sein deux partis habitués à se répartir les mandats, deux partis aux terminaisons nerveuses naturellement très sensibles et peu encline à laisser filer ses voisins de palier qui n’ont d’utilité que lorsqu’ils servent ses propres intérêts.

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Newsletter N° 160 – 27 octobre 2023 | Source : Perspective catholique