Éric Bertinat – En Suisse, le travail de nuit et du dimanche est interdit sauf autorisation pour certaines entreprises qui n’ont pas d’autre choix que d’y avoir recours. Il est cependant permis de travailler le dimanche (caractère temporaire) mais pas plus de six dimanches par année civile (jours fériés légaux inclus).

Que ce soit au niveau cantonal ou fédéral, la loi sur le travail est remise en question de manière répétée et même de manière entêtée. Le patronat et son compère le parti libéral n’ont de cesse d’ébrécher ce septième jour de la semaine qui devrait être consacré à Dieu, à la famille et au repos s’éloignant toujours plus de ce juste rappel de Léon XIII dans son encyclique Rerum Novarum (1891) : «Qu’on porte l’ouvrier au culte de Dieu, qu’on excite en lui l’esprit de piété, qu’on le rende surtout fidèle à l’observation des dimanches et des jours de fête».
Sans trop de surprise nous apprenons que la Commission fédérale de l’économie et des redevances du Conseil des État étudie deux projets proposés par le parti libéral pour étendre l’ouverture des magasins le dimanche. L’un des deux a trouvé une large majorité et sera prochainement discuté par la Commission sœur du Conseil national. Il s’agit d’une initiative parlementaire du libéral zurichois Rolf Hegetschweiler demandant que les commerces dans les centres de transports publics soient autorisés à ouvrir le dimanche. Sont réputés centres de transports publics les gares où le trafic est important et les changements de trains fréquents (Intercity, Interregio, RX et RER).
Le Conseil fédéral a fait savoir qu’il soutenait cette modification de la loi sur le travail. Dans cette loi, le nombre de dimanches pendant lesquels le personnel peut être employé dans les commerces sans qu’une autorisation soit nécessaire passera ainsi de 6 à 12 au maximum.
Bien sûr, les responsables catholiques n’ont rien dit. Les seules oppositions sont venues des syndicats dont les arguments sont parfaitement acceptables par les catholiques. Thomas Bauer, responsable de la politique économique de Travail.Suisse (organisation faîtière indépendante des salariés) explique dans 20minutes (23 octobre 2024) que «Pour une grande partie des travailleurs et travailleuses, le dimanche est le seul jour de congé commun de la semaine. Il permet de se reposer, d’entretenir des relations et de pratiquer des activités. Il faut donc mettre un terme aux attaques contre le dimanche chômé». Et de craindre que «des heures d’ouverture prolongées pour une même consommation réduisent la productivité et augmentent la pression sur les salaires». Même argumentation du côté d’UNIA qui s’appuie sur une nouvelle étude de l’institut Sotomo pour affirmer que «Les employés ne veulent pas de travail supplémentaire la nuit et le dimanche. Ils ne veulent surtout pas d’une nouvelle déréglementation de la loi sur le travail».
La proposition libérale, une fois passé la rampe du dépôt d’un possible référendum, sera étudiée par la Commission du Conseil national avant de passer par chacune des Chambres fédérales. La Loi sur le travail sera alors modifiée en conséquence selon l’article 81 de la loi sur l’Assemblée fédérale : «Si les deux conseils approuvent le projet, celui-ci est réputé avoir abouti valablement en tant qu’acte de l’Assemblée fédérale».

Tu sanctifieras le jour du Seigneur !
Est-il nécessaire que rappeler qu’à l’origine, le repos dominical est lié au Décalogue : Tu sanctifieras le jour du Seigneur ! Depuis, libéraux et associations patronales ont cherché à contourner ce jour de repos pour des raisons principalement économiques. Mais pour les chrétiens, l’assistance à la messe ne suffit pas pour honorer Dieu, et le dimanche est un jour tout entier consacré à la vie spirituelle, à la relation personnelle avec Dieu ; un jour où l’on se préoccupe davantage de son prochain, un jour sans activité rémunératrice.
Il faut donc que les chrétiens s’expriment sur les sujets qui touchent à notre religion. C’est bien ce que le R.P. Charles Maignen rappelle : «La loi civile ne reconnaît pas et ne peut pas reconnaître à l’Église le droit de légiférer sur le mariage, de réclamer l’exemption du service militaire pour les clercs, d’interdire le travail manuel certains jours, etc. Mais la loi civile n’est que l’expression de la volonté générale des citoyens ; les catholiques sont citoyens comme les autres ; ils font donc la loi et s’ils sont la majorité ils feront la loi conformément à leurs croyances». (1) Ce qui pose à nouveau la question de l’engagement des catholiques. Orphelins d’un parti politique catholique, d’une presse engagée, tout comme d’un clergé capable de s’opposer à toutes les dérives de notre société, les catholiques doivent malgré tout faire entendre leurs voix. Il y a certes les votations mais l’on voit dans l’exemple qui vous est détaillé ci-dessus une impossibilité pratique pour nos milieux d’obtenir «au moins le respect des libertés religieuses que l’Église obtenait jadis par d’autres voix» (2). Sauf peut-être à contacter les élus nationaux pour défendre la cause catholique. Une piste que nous explorons tout en suivant la progression de la proposition Hegetschweiler. L’occasion de revenir vers vous. A moins que, comme Etienne Gilson, vous ne pensiez que les catholiques, pris individuellement, ne peuvent plus rien faire pour leur patrie à part prier et se rendre meilleurs. (3) —


(1) Nationalisme, catholicisme, révolution – RP Charles Maignen (1901) – Éditions Saint-Rémi
(2) ibidem
(3) Cité par Jean Madiran – Chroniques sous Benoît XVI – Editions Via Romana

___________________________________________________________________________________
Newsletter N° 242 – 6 novembre 2024 | Source : Perspective catholique