Eric Bertinat – C’est même pas vrai ! dit la petite fille. Autour d’elle, dans la cour d’école, ses camarades tenaient un discours extravagant. Qu’elle refusait obstinément de croire quand la cloche sonna la fin de la récréation. – J’vous crois toujours pas ! dit-elle en guise de conclusion ! Et nous, le 9 juin, croirons-nous le scénario futuriste proposé par le Parlement et sa Loi sur l’énergie et de la loi sur l’approvisionnement en électricité ?

Les Suisse voteront début juin sur un ensemble de lois, un «socle» permettant la transition énergétique (Stratégie 2050). Un fourre-tout législatif assurant plus une promesse qu’une garantie d’approvisionnement en électricité grâce aux énergies renouvelables indigènes puisque nous voilà contraints d’abandonner le mazout, gaz, diesel et essence suite à la votation de 2017 sur la Loi sur l’énergie. Place aux énergies renouvelables et propres pour assurer une distribution suffisante en électricité dans le pays ! Pour ce faire, il faut modifier la Loi sur l’énergie, sur l’approvisionnement en électricité, sur l’aménagement du territoire et sur les forêts.

Petit retour dans le temps
Signataire de l’Accord de Paris, la Suisse doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de moitié par rapport à 1990 d’ici 2030. En outre, elle doit atteindre le zéro net d’ici 2050. Les Chambres ont donc préparé la Loi sur le CO2 (Fonds pour le climat, taxe sur les billets d’avion et taxe CO2) mais elle est refusée par le peuple en 2021. Qu’à cela ne tienne, on remet l’ouvrage sur le métier et en juin 2023 les Suisses acceptent la Loi sur le climat et l’innovation (1) qui entend réduire la consommation de mazout et de gaz et contribuer à un approvisionnement en énergie respectueux du climat.

De tous ces débats et votations, la question de la sécurité de l’approvisionnement énergétique de la Suisse est devenue prioritaire. D’où cet acte modificateur unique (Manterlass dans le jargon fédéral) qui entend assurer l’indépendance énergétique de notre pays. Il faut bien comprendre que le chauffage et l’utilisation de véhicules ne seront bientôt plus possibles qu’électriquement ! Pour ce faire, le Parlement a cherché les combines pour combler l’interdiction des énergies fossiles et, pour le moment, l’énergie nucléaire. Aujourd’hui, la Confédération doit importer 6 térawattheures (TWh) de courant en hiver pour couvrir ses besoins. La loi veut faciliter la construction d’installations déclarées d’intérêt national pour la production d’énergies renouvelables afin de dépendre moins de l’étranger (2).

Pris en étau par les lois votées et l’idéologie écolo
L’eau, le soleil, le vent et la biomasse doivent assurer l’approvisionnement de la Suisse. Les objectifs sont élevés : 35 TWh devront être produite en 2035 grâce aux énergies renouvelables, barrages non compris, et 45 TWh en 2050. Les exigences pour l’énergie hydraulique pourront être atteintes grâces à 16 chantiers (rehaussements et construction de barrages). Tous ces chantiers, panneaux photovoltaïques, éoliennes, bénéficieront de procédures accélérées, même en cas de recours. Il est également question d’obliger les sociétés qui distribuent l’énergie aux consommateurs à économiser 2 TWh par an pour l’ensemble du pays.

Avec ce train de lois, le Parlement tente de trouver des solutions pour satisfaire aux exigences avancées par chaque parti. De part et d’autre, des compromis ont été fait. Par exemple, les Verts voulaient couvrir les toits existants et nouveaux, ainsi que toutes les surfaces qui s’y prêtaient comme les murs antibruit sur l’autoroute, les hangars, les stations service, etc. A ces prétentions, il ne reste qu’une obligation faite aux propriétaires de bâtiments neufs disposant d’un toit de plus de 300 m².

Notre pays défiguré
De leurs côtés, les opposants, Paysage libre Suisse et la Fondation Franz Weber jugent la loi dangereuse pour la protection de la nature et du paysage. Selon eux, elle retire du pouvoir aux communes, ce que partage l’UDC qui juge aussi la loi insuffisante : «La production d’électricité à partir du solaire et de l’éolien devrait donc atteindre environ 45 térawattheures par an en 2050, soit les trois quarts de notre production actuelle d’électricité. Pour une contribution substantielle de 10 TWh par l’énergie éolienne, il faudrait 2’000 éoliennes, et pour 10 TWh par des parcs solaires au sol, il faudrait 100 km2, soit plus que tout le lac de Zurich. Notre beau pays serait donc déjà défiguré rien qu’en cas de construction partielle à grande échelle d’éoliennes et de parcs solaires. Depuis la votation de 2017 sur la Stratégie énergétique 2050 (Loi sur l’énergie), on sait que les objectifs et les promesses de cette stratégie restent de séduisantes chimères». (Argumentaire de campagne UDC – cliquez ici !)

D’un côté, nous avons le Parlement englué dans le discours écologique et sa transition énergétique qui cherche des solutions pour assurer l’apporvisionnement énergétique de notre pays. Notons que le nucléaire n’étant pas totalement abandonné, ce qui peut être une possibilité de rattrapage, mais l’on prend beaucoup de retard sur ce dossier qu’il sera difficile de rattraper. De l’autre côté, l’on est en droit de trouver ces solutions pour le moins aventureuses : c’est presque un acte de foi que nous demandent nos autorités !

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(1) Qui est elle-même un contre-projet indirect à l’initiative pour les glaciers. Dans cette nouvelle loi, il est demandé de réduire les émissions de gaz à effet de serre (y compris le CO2) et d’utiliser des technologies d’émission négative, d’adapter et de se protéger face aux effets des changements climatiques, d’orienter les flux financiers de manière à les rendre compatibles avec un développement à faible émission capable de résister aux changements climatiques.

(2) Cet argument, évoqué par tous les partis, est amusant car il n’est plus question d’indépendance lorsqu’il faut adhérer, d’une manière ou d’une autre, à l’Union européenne.

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Newsletter N° 206 – 25 avril 2024 | Source : Perspective catholique