Eric Bertinat – Le Pape émérite Benoît XVI qui a rendu son âme à Dieu ce jour fut avant tout un serviteur. De Dieu et de l’Église dont il rappela en 2000, en sa qualité de cardinal, que seul l’Église catholique romaine est source de salut pour l’humanité (Dominus Iesus). Ainsi que le relève Alain de Penanster : Jean-Paul II était moderne et complexe, Benoît XVI l’est aussi à sa manière. (1)

Serviteur contre sa volonté, c’est ce que nous dit Nicolas Diat dans une excellente biographie au titre explicite, L’homme qui ne voulait pas être Pape, histoire secrète d’un règne (2) : «En fait, l’homme a franchi les étapes de la hiérarchie ecclésiale contre sa propre volonté. Son élection au souverain pontificat est la dernière marche d’une vie dans la lumière qu’il repoussait. Il ne voulait pas succéder à Jean-Paul II ; l’homme a accepté le choix des cardinaux comme il s’est résolu toute son existence à contrarier ses plans personnels.

De cette longue vie au service de Dieu que reste-t-il aujourd’hui ? La chaîne CNew’s a relevé, entre autres, son amère déception suite à l’ostracisme jeté par le pape François sur la messe traditionnelle, celle de saint Pie V. Le Pape émérite était très attaché à la liturgie et au chant grégorien ainsi qu’il l’avoue lui-même dans sa conférence lors du jubilé des catéchistes, à Rome, le 10 décembre 2000 (3) : [Et nous avons littéralement senti combien la liturgie] porte en elle le fruit de l’expérience de foi de toutes les générations précédentes. Même si les participants ne comprennent pas toutes les paroles, ils perçoivent leur signification profonde, la présence du mystère qui transcende toute parole.

Deux ans auparavant, en 1998, le prélat jugeait que cette interdiction était désolante. Jean Madiran cite cette phrase dans ses Chroniques sous Benoît XVI (4) : J’ai été consterné par l’interdiction de l’ancien missel car cela [une interdiction de cette nature] ne s’était jamais vu dans toute l’histoire de la liturgie.On ne peut évidemment réduire la longue vie et l’œuvre de ce Pape à cette seule question, même si celle-ci est essentielle à la vie et à la survie de l’Église. Joseph Ratzinger fut l’un des acteurs très écouté du Concile du Concile Vatican II. Au fil des années, si la volonté d’une large partie du clergé de déconstruire l’Église catholique lui apparu clairement, il n’en resta pas moins fidèle à la mise en œuvre de ce même concile Vatican II, voyant dans celui-ci un renouveau dans la continuité et non une rupture.

Sa démission fut-elle celle d’un rendez-vous raté comme se le demande le cardinal Sarah? Les trahison de ses proches, les actes d’homosexualité et les horreurs de la pédophilie d’une partie du clergé, l’hostilité de la Curie à son encontre l’ont-ils conduit à se retirer, ne se sentant pas en mesure de remettre de l’ordre dans la Maison de Dieu ? Sans doute. Mais il ne faut pas oublier que Joseph Ratzinger s’est toujours senti attiré par l’ordre bénédictin dont il mentionne son fondateur pour expliquer le choix de son nom de règne. Gageons que Benoît XVI, lors de sa retraite, s’est livré intensément à la prière et au devoir de suppléance que privilégient les moines. Il nous a été aussi utile à genoux au monastère Mater Ecclesiae (au Vatican) que sur son trône pontifical.

Le cardinal Sarah lui rend un bel hommage dans la préface de l’ouvrage de Nicolas Diat précité : Par son enseignement, par son magistère liturgique, et notamment le «Motu proprio Summorum pontificum», le pape Benoît a profondément renouvelé le sens liturgique des Chrétiens. En réconciliant la liturgie avec elle-même, avec son histoire, avec sa tradition, Benoît XVI nous a permis de renouveler le goût de Dieu.

Et de conclure : Ce jour, ses paroles sont une mystérieuse anticipation du soir de sa propre existence : Fugitiva relinquere et aeternae captare – Abandonné les réalités fugitives et chercher à saisir l’éternel.
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(1) Benoît XVI et les sept legs, CLD éditions, 2005
(2) L’homme qui ne voulait pas être Pape, histoire secrète d’un règne – Éditions Pluriel, 2018
(3) La nouvelle évangélisation (lien)
(4) Chroniques sous Benoît XVI (Tome 1), édition Via Romana, 2010

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Newsletter N° 112 – 31 décembre 2022 | Source : Perspective catholique